Lettres de noblesse pour Jacques Augustin de Silvestre - octobre 1775

Du mois d'octobre 1775
Copie sur l'original en parchemin.

Lettres de noblesse en faveur du S^r Silvestre

Louis par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous présents et à venir Salut.

Il n'est point de prix plus flatteur pour la vertu, ni de signe plus éclatant de la magnificence Royale que l'anoblissement. Cette récompense annonce la grandeur et la majesté souveraine dont elle émane; Elle fait également l'éloge du sujet qui a mérité d'en être décoré. Comme elle a pour but non seulement d'exciter le zèle et l'émulation de tous ceux que l'honneur anime, mais encore de transmettre ces sentiments à la postérité, elle doit par cette raison être préférablement décernée aux citoyens qui ont bien mérité de la Patrie, et qui, par un zèle et une étude infatigables y ont poussé les arts à un haut degré de perfection, seul moyen de les faire fleurir dans un État et d'augmenter sa splendeur. C'est ainsi que nous proposons de témoigner à notre cher et bien amé Jacques Augustin Silvestre, maître à dessiner des Enfans de France et premier valet de garde-robe de notre très cher et très amé frère Louis-Stanislas Xavier, Monsieur, l'estime particulière dont nous l'honnorons et encore pour reconnoître les services de sa famille, qui a toujours bien mérité de nous et de nos prédécesseurs, et qui s'est toujours distinguée dans l'art de la peinture, où plusieurs d'entr'eux ont acquis la plus haute célébrité.

Cette famille, originaire d'Écosse, où elle jouissoit d'un rang honorable, s'est divisée en deux branches, l'une s'est établie dans nos États, l'autre en Allemagne. Gilles Silvestre passa d'Écosse en Lorraine, vers le commencement du dernier siècle, et y devint le premier peintre du duc de Lorraine, Charles second. ^[Note]Silvestre , son fils, né à Nancy, le quinze aoust mil six cent vingt-un, vint se fixer à Paris, où il fut bientôt distingué par la célébrité de son talent, dans laquelle il a été inventeur et original. Il fit ensuite deux voyages à Rome et en rapporta ce grand nombre de vues d'Italie, dont tous les curieux de l'Europe ont orné leurs cabinets. Le roy Louis XIV, de glorieuse mémoire, juste appréciateur des talents, reconnoissant sa rare capacité, l'employa pour dessiner et graver toutes ses maisons royales, les places conquises et d'autres ouvrages de ce genre, qui sont aujourd,hui déposés dans notre Bibliothèque, le gratifia de pensions considérables, d'un logement dans notre château du Louvre, et pour honnorer son talent, le nomma maître à dessiner des Enfans de France, place qui depuis est dans sa famille et qui a passé après lui à son fils ^[Note], ensuite à Nicolas-Charles Silvestre, son petit-fils, père du dit S^r Jacques-Augustin Silvestre qui l'a exercé avec le même succès, à notre très grande satisfaction, tant près du feu Dauphin, notre très honoré père, que près de notre personne, de celle de nos très chers et très amés frères et d'autres princes et princesses de la famille royale. Louis Silvestre, autre fils d'Israël, passa en Pologne, avec l'agrément du Roy, qui luy permit d'y acceepter la place de premier peintre et directeur de l'Académie. Il y fut accueilly par le souverain, qui fut tellement satisfait de ses services que, pour lui donner preuves distinguées de son estime, il luy accorda en sa qualité de vicaire de l'Empire des lettres de noblesse, données de Dresde le dix juillet mil sept cent quarante-un, dans lesquelles il appella Nicolas-Charles, son neveu, cy-dessus nommé, et les rendit communes avec lui.

Nous, désirant traiter aussi favorablement Jacques Augustin Silvestre et lui faire recueillir le fruit d'une grâe si bien méritée et accordée à ses auteurs à si juste titre, nous avons résolu de lui accorder des titres de noblesse.

À ces causes, voulant favorablement traiter l'exposant, et lui donner des preuves de l'estime, et de la bienveillance dont nous l'honnorons, de l'avis de notre conseil et de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons annobli et par ces présentes signées de notre main, annoblissons le dit S^r Jacques-Augustin Silvestre et du titre et de qualité de noble et d'écuyer, l'avons décoré et le décorons ; voulons, et nous plait qu'il soit tenu, compté et réputé comme nous le tenons, comptons et réputons noble, tant en jugement que déhors, ensemble ses enfants, postérité et descendants, mâles et femelles, nés et à naître en légitime mariage ; que comme tels ils puissent prendre en tous lieux et en tous actes le qualité d'écuyer et parvenir à tous degrés de chevalerie des autres, dignités, titres et qualités réservés à notre noblesse ; qu'ils soient inscrits dans le catalogue des nobles; qu'ils jouissent et usent de tous les droits, prérogatives, privilèges, franchises, libertés, avantages, prééminences, exemptions, et immunités dont jouissent et ont accoutumé de jouir les anciens nobles de notre Royaume, tant qu'ils vivent noblement et ne feront acte de dérogeance, comme aussi qu'ils puissent acquérir, tenir et posséder tous fiefs, terres et seigneuries nobles, de quelques titres et qualités qu'elles soient. Permettons au d. Jacques-Augustin Silvestre, ses enfants, postérité et descendants de porter les armoiries timbrées de la famille telles qu'elles sont actées et blasonnées par le S. d'Hozier conseiller en notre conseil, juge d'Armes de France, et ainsi qu'elles seront peintes et figurées dans cette présente auxquelles son acte de reglement sera attaché sous notre contrôle, avec le pouvoir et liberté de le faire peindre, graver et incruster en tous endroits de leurs maisons, terres, seigneuries que bon leur semblera, le tout de même que si le d. S^r Jacques-Augustin Silvestre, ses enfants, postérité et descendants soient issus de noble et ancienne race, sans que pour raison de ce que dessus le d. S^r Jacques-Augustin Silvestre, ses enfants, postérité et descendants puissent être tenus de nous payer et à nos successeurs Roys aucune finance ni indemnité de laquelle à quelque somme qu'elles puissent monter, nous leur avons fait et faisons don et remise par la présente, et sans qu'ils puissent être troublés ni recherchés pour quelques causes, occasions et prétextes que ce soit, à la charge par eux de vivre noblement et sans déroger. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant de notre cour de parlement, cour des aydes à Paris, Présidents trésoriers de France au Bureau des Finances aux lieu et à tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra que ces présentes il ayent à faire registrer et du contenu en icelle faire jour et user le d. S^r Silvestre, ensemble ses enfants, postérité et descendants, mâles et femelles, nés et à naître en légitime mariage, pleinement, paisiblement et perpétuellement faisant cesser tous troubles et empêchements quelsque non obstant tous édits, déclarations, arrêts et réglements à ce contraire, auxquels et aux dérogations y contenus nous avons dérogé et dérogeons pour le regard seulement et sans tirer à conséquence. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours nous avons fait mettre notre scel à cette présente et l'autrui en toutes.

Donné à Fontainebleau au mois d'octobre l'an de grâce mil sept cent soixante quinze et de notre règne le deuxième.

Signé Louis et sur le repli , Par le Roy, de Lamoignon