Versailles, 13 août 1755.
MONSEIGNEUR,
J'ai remis, dès l'instant que je l'ai reçue, la lettre de Mgr le Prince Elect. a Mme la Dauphine, qui l'a lue avec il solito piacere. La santé de cette auguste princesse est, grâce à Dieu, parfaite. Elle n'a pas encore eu de grossesse aussi heureuse que celle-ci. Elle est grasse, blanche, belle et de la meilleure humeur du monde. Elle a témoigné à notre bonne Frommin toute la bonté et toute la sensibilité possibles. La marque de zèle et d'attachement que celle-ci lui a donnée en entreprenant, à son âge, un voyage si long, uniquement dans le dessein de se mettre à ses pieds, et de voir son bonheur de près, lui a été extrêmement agréable. Notre voyageuse ne reçoit pas moins de marques des bontés de Mgr le Dauphin ; et elle partira, j'espère, comblée de toutes sortes de grâces et de bienfaits de leur part. Je crois que ce sera vers la mi-septembre ; s'il y avait quelque chose que put désirer Votre Excellence, elle serait enchantée d'en être chargée. Sa conduite a été admirable. Tout le monde la connaît et l'aime dans Versailles. On lui a accordé l'accès le plus intime, et tout ce qu'elle a voulu.
Grâce à Dieu, le plan de vie de Mgr le Dauphin et de Mme la Dauphine est si beau, leur union est si tendre, que tous leurs bons serviteurs désireraient qu'il y eût, sans cesse, cent témoins prêts à raconter dans tout l'univers les exemples de vertus qu'ils donnent même aux personnes les plus régulières. J'engage Votre Excellence, lorsque cette bonne Frommin sera de retour à Dresde, a la faire venir, et surtout à la questionner sur tous les points dont je ne saurais parler sans rendre mes lettres trop longues. Mme la duchesse de Brancas et moi, nous réjouissions, l'autre jour, du plaisir que ces récits pourront causer à S.M. la Reine de Pologne.
Je suis bien fâchée du quiproquo qui a eu lieu au sujet des portraits : il y a, en vérité, bien de la différence entre les deux ; mais vous m'assurez, Monseigneur, que Mr le comte de Vitzthum apportera l'original de celui de son Altesse Royale, et cela me console. Mme la Dauphine m'a ordonné de vous écrire que, si vous voulez y joindre les six que Mr le comte de Rotori désire lui présenter, elle les recevra avec plaisir. Je ne puis assez vous témoigner ma vive reconnaissance, ainsi qu'à Monsieur et à Madame de Salmour, pour toutes les bontés dont vous comblez ma famille. Je suis bien persuadée que la position de mon frère deviendrait un peu meilleure s'il se trouvait, sous votre direction, Monseigneur, ou sous celle de S. Ex. Mr le comte de Salmour, quelque place qu'il fût capable de remplir. Les années de mon père s'augmentent ainsi que le nombre de ses petits-enfants. Je ferai certainement pour eux tout ce qui dépendra de moi, remettant le reste à la Providence qui ne les fait pas naître pour être malheureux.
Mgr le Dauphin est revenu de Compiègne avec une santé parfaite. Il a repris un peu d'embonpoint, et a le meilleur teint du monde. Mgr le duc de Bourgogne est beau comme le jour ; le duc de Berry Notene lui cède en rien, mais Madame est toujours d'une délicatesse singulière ; j'espère cependant qu'elle s'élèvera.
Mr l'abbé d’Allaire et mon père présentent leurs profonds respects à Votre Excellence, et la remercient de ses bontés ; ils jouissent, grâce à Dieu, d'une parfaite santé.
J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, de Votre Excellence,
Monseigneur,
la très-humble et très-obéissante servante,
Marie de Silvestre.
Lettre de Marie-Maximilienne de Silvestre au comte de Wackerbarth
13 août 1755
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