Versailles, ce 15 décembre 1753.
MONSEIGNEUR,
Vous avez jugé dans cette circonstance comme vous faites toujours. Leurs Majestés n'avaient pas marqué à Mme la Dauphine, par leurs lettres du 25 novembre, que Mgr le prince Clément eût la petite vérole déclarée, mais seulement qu'on envoyait tous les symptômes. Malheureusement dans d'autres lettres on n'a pas eu la même discrétion. Personne que vous, Monseigneur, n'a eu l'attention d'écrire le 28, mais votre lettre est restée à Dresde, et s'est trouvée dans le même paquet que celles du 2. J'en ai été d'autant plus affligée que vous aviez tout prévu, et que les marques de votre attention et de votre zèle pour Mme la Dauphine lui auraient été d'un grand soulagement. Votre lettre lui serait arrivée le samedi, tandis qu'elle n'a eu de nouvelles que le mardi au soir ; aussi a-t-elle passé ces quatre jours dans une peine et une inquiétude que sa fermeté et sa sagesse n'ont pu cacher à toute la cour qui les partageait et qui admirait son bon cœur. On se demandait dans Versailles des nouvelles de M. le prince Clément, comme on en demanderait de M. le duc d’Aquitaine dans une circonstance semblable, tant les intérêts chers à Mme Dauphine le sont devenus à la nation elle-même. Nous sommes aujourd'hui, 15 du présent mois, presque dans les mêmes craintes que nous avions la semaine passée, les lettres du 9 n'étant pas aussi consolantes que nous aurions pu l'espérer.
Je vous supplie, Monseigneur, de vouloir bien me continuer le même honneur de faire mettre pour moi vos lettres à la poste. Les frais qui s'ensuivent ne me font nulle peine à solder, quand il s'agit de tranquilliser le cœur sensible de mon auguste Maîtresse ; et vous connaissez si bien ce cœur parfait que vous avez toujours soin de rendre compte, dans vos lettres, de tous les articles que vous sentez bien qu'il désire savoir. Que je puisse donc compter sûrement sur quelques lignes de votre part, toutes les fois qu'il se présentera quelqu’une de ces circonstances propres à l'intéresser. Madame Victoire a été bien incommodée à Fontainebleau. Sa santé se remet de jour en jour, quoique lentement. Elle éprouve encore quelques légers sentiments de fièvre, mais qui ne donnent aucun sujet d'inquiétude. Le Roi lui-même a été incommode, et a gardé la chambre pendant plusieurs jours ; mais, grâce à Dieu, il est aujourd'hui entièrement rétabli. Tout le reste de la famille royale jouit d'une santé parfaite. Mme la Dauphine n'est pas grosse, et l'on n'est pas fâché qu'elle ait quelque temps de repos pour se remettre.
Je souhaite, Monseigneur, que la nouvelle année vous apporte de nouvelles consolations, et de nouveaux bienfaits du ciel qui récompensent votre bonté et vos vertus. Continuez-moi toujours, et aux miens, l'honneur de votre protection.
Je suis avec un profond respect, de Votre Excellence,
Monseigneur,
la très-humble et très-obéissante servante,
M. de Silvestre.
Lettre de Marie-Maximilienne de Silvestre au comte de Wackerbarth.
15 décembre 1753
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