Versailles, ce 15 juin 1751.
Monseigneur,
Je ne sais rien de plus flatteur pour moi que d'être assurée que ma lettre, par ce qu'elle renferme , va vous causer le plus sensible plaisir ; j'ai rendu un compte exact de toute l’émotion dont vous seriez pénétré en recevant un témoignage d'intérêt aussi honorable, de la part d'une si auguste, si aimable et si vertueuse princesse.
La santé de Mme la Dauphine ne saurait être meilleure. Elle se promène beaucoup et elle marche si légèrement qu'on ne remarque point qu'elle soit si avancée dans sa grossesse. On croit pourtant qu'elle a passé cinq mois et demi. Dieu veuille combler les vœux ardents et sincères de la France et des saxons, et de l'Europe entière ! ,
Le coffret a été trouvé d’un goût parfait, et a causé un vrai plaisir à Mme la Dauphine. M3 Le Fort nous a donné les nouvelles les plus satisfaisantes de la santé de leurs Majestés et de toute la famille royale. Madame la Dauphine est, en tout ce qui regarde son auguste famille et son pays, comme si elle les avait quittés hier ; et elle est, ici, pour le Roi et pour sa famille, et pour la France, comme si elle était née en ce pays. Elle est, enfin, telle que vous avez prévu et deviné qu'elle serait.
Mon père est pénétré de reconnaissance pour toutes vos bontés. Il se trouve mieux, grâce à Dieu ! mais il a une infirmité qui, quoique peu considérable, persistera, je le crains, pendant le reste de sa vie. Un grand âge traîne toujours quelque chose de fâcheux après soi. Je bénis le ciel de lui avoir donné tant de courage, de patience et de résignation.
Je vous remercie aussi très-humblement, Monseigneur, de vos bontés pour M. Hutin ; je l’engagerai à faire tout son possible pour continuer à les mériter.
Vous avez, assurément, perdu deux rares sujets, deux dames aussi respectables que vertueuses ; on peut dire deux anges sur la terre. L’inviolable attachement que je porte à S.A. la Princesse Elect. me fait désirer qu’il soit aisé de les remplacer; mais je ne sais rien de si difficile. La santé de Mme la duchesse de Brancas nous a donné les plus vives alarmes, mais le beau temps a ranimé son tempérament qui est maintenant admirable. Je la compte entièrement hors d’affaire. Nous attendons mercredi ; elle est à Paris depuis un mois.
Je voudrais que S.A.R. Mme la Princesse eût son collier qui est fait depuis déjà deux mois ; mais je n’ose le confier qu'à M. le comte de Bellegarde. J'ai l'honneur d'être avec respect, et avec l'attachement le plus parfait,
De votre Excellence,
La très humble et très obéissante servante,
Marie de Silvestre
Lettre de Marie-Maximilienne de Silvestre au comte de Wackerbarth
15 juin 1751
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