Cette vue panoramique de la ville de Metz témoigne des exceptionnelles qualités de graveur et de géomètre d'Israël Silvestre, qui magnifie cette cité considérée au XVIIe siècle comme l'une des plus importantes places fortes de l'est de la France. L'artiste, installé légèrement en hauteur sur les coteaux au sud-est de la ville, en conçoit une large perspective, depuis la tour Camoufle à gauche jusqu'à la porte des Allemands, reconnaissable à ses deux tours massives, dans le fond à droite. Derrière les murailles qui protègent la ville pointent les flèches gothiques de plusieurs édifices religieux, dont celles au centre de la cathédrale Saint-Étienne, qui dominent l'ensemble. Au premier plan, des buissons, quelques bergers et des moutons paissant dans un pré en bordure de la Seille donnent un caractère bucolique à cette représentation.
Dans ses Notes manuscrites, Pierre Jean Mariette explique que, « de retour à Paris, il [Silvestre] grava avec beaucoup d'esprit et d'intelligence presque tous les desseins qu'il avait recueillis de ses voyages, il continua sur le même pied à en dessiner et en graver beaucoup d'autres de Paris et de ses environs, jusqu'à ce que le roy de France, connoissant sa capacité, le choisit pour dessiner et graver les vues de toutes les Maisons royales, celles des places conquises par sa Majesté, et plusieurs autres ouvrages qui sont aujourd'hui dans son cabinet (1 )».
Mariette souligne le soin que l'artiste mettait à graver ses nombreux dessins de paysages et de vues de villes, ce qui lui valut l'honneur de recevoir des commandes royales. Celles des places conquises comptent parmi les plus ambitieuses, puisque les dessins de grande taille des villes furent gravés sur deux plaques, exigeant ainsi de Silvestre une grande habileté technique. Il est probable que l'artiste a utilisé une technique de report pour placer le profil de la ville, qui est la partie la plus finie du dessin. En comparant, d'une part, le dessin probablement exécuté sur le motif et, de l'autre, les deux planches gravées à l'eau-forte et les estampes, on peut supposer que, dans un premier temps, l'artiste a copié très fidèlement les architectures et le profil de la ville. Il a ensuite dessiné, directement sur le cuivre recouvert de vernis, le premier plan, en ajoutant notamment quelques détails pittoresques, comme par exemple, dans la partie gauche, le jeune homme qui court et les arbres qui viennent ponctuer le paysage. On constate ainsi qu'il a d'abord gravé un bosquet dans le second plan, qu'il l'a ensuite déplacé un peu plus à gauche au premier plan, afin de ménager un vide jusqu'à la porte Mazel et aux fortifications de la cité messine. Silvestre a égale- ment ajouté plusieurs groupes d'arbres dans la partie droite afin d'atténuer la sensation étrange d'une vue panoramique lointaine et impersonnelle qui se dégage de son dessin aquarellé. Ainsi, le graveur parvient, d'une manière unique, à faire coexister la majesté et la solennité de la ville fortifiée conquise par le roi et le caractère anecdotique du quotidien des campagnes environnantes.
En examinant les plaques gravées, on constate que, dans la marge inférieure, une inscription gravée a été grattée pour laisser place à celle qui figure actuellement, et qui semble commencer par ces mots : « Se vende a Paris ». Cela laisse donc supposer que cette gravure fut d'abord éditée par Silvestre lui-même, avant d'être cédée à la surintendance des Bâtiments du Roi, comme l'affirmait Faucheux dans son catalogue en indiquant l'existence de deux états antérieurs à celui connu, sur lesquels figurait l'adresse du graveur : « Se vende a Paris chez Israël Silueslre rue du Mail proche la rue Montmartre avec priuilge du Roy. 1667. ».
" Notes : 1. Mariette, éd. 1996-2003, II (1996), p. 374. Bibl. [voir document associé] : Le Comte 1699-1700, I (1699), 2e partie, p. 52 ; Suite et arrangement, 1727, p. 18 ; Catalogue, 1743, p. 22 ; Heinecken, 1771, no 16, p. 13-14 ; Faucheux, 1857, no 28, p. 235 ; Duplessis, 1869, p. 15 ; Baré, 1885, no 588, p. 200 ; Le Blanc, 1854-1890, III (1888), p. 638 : Angoulvent, 1926, no 3153 ; Mariette, éd. 1996-2003, II (1996), p. 390 ; Triaud, 2009, p. 34-35 ; cat. exp. Los Angeles et Paris, 2015-2016, no 28, p. 112-113. Exp. : Jamais exposé. (Jean-Gérald Castex in "La France vue du Grand Siècle. Dessins d'Israël Silvestre (1621-1691)" (Paris, musée du Louvre, 15 mars - 25 juin 2018), cat. sous la dir. de Bénédicte Gady & Juliette Trey, n°39-42).
Cette estampe est en deux planches, destinées à être réunies.
— 1. METZ EN LORRAINE (Profil de la ville de) : veue du coste de la porte Mazel — Se vende à Paris chez Israël Silveslre rue du Mail proche la rue Montmartre A. P. D. R. 1667. — Deux pl. ayant chacune: — (H : 410 - L : 652).
— 2e état, avec l'année 7677. — PI. à la Chalc.
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